Le procès des faucheurs volontaires de vignes OGM renvoyé
Militants anti-OGM et chercheurs de l’Inra ont manifesté de concert hier, devant la cour d’appel de Colmar. Photo Hervé Kielwasser
Surprise hier matin, à Colmar. La cour d’appel a renvoyé le procès de faucheurs des vignes de l’Inra au 31 janvier 2013, suite à un problème de procédure.
Hier matin, devant la cour d’appel de Colmar, tout semblait parti comme en l’an 2011, année du procès en première instance des 60 faucheurs volontaires qui avaient arraché 70 plants de vigne transgénique à l’Inra (Institut national de recherche agronomique) de Colmar, le 15 août 2010. Faucheurs et comité de soutien avaient organisé leur traditionnel cortège, suivi d’une manifestation en musique et sketches toujours aussi bon enfant.
Petite évolution : des chercheurs de l’Inra s’étaient mêlés au groupe et tendaient leurs propres banderoles en dessous de celles de leurs opposants… On l’avait compris : l’institut avait décidé de ne pas laisser les faucheurs occuper, seuls, le terrain public et médiatique.
Cet état d’esprit s’est retrouvé ensuite à l’ouverture du procès où l’on a vu surgir les deux avocats de l’institut de recherche. Étonnant de prime à bord, puisque le procès ne devait porter que sur le volet pénal – culpabilité et quantum d’une éventuelle peine. En effet, après le délibéré de première instance, en octobre 2011, les faucheurs avaient fait appel de la décision, se désistant ensuite pour l’aspect civil, mais l’Inra avait alors décidé de ne pas faire appel, se limitant à un appel dit « incident ».
Du coup, l’indemnisation accordée par le tribunal correctionnel de Colmar, un total de 57 001 €, était définitive – précisons que l’argent n’a pas encore été versé. Du coup, aussi, le procès devait se dérouler sans partie civile mettant uniquement face à face les prévenus et le ministère public représentant de la société.
Mais l’Inra ne voyait pas les choses ainsi et a envoyé ses deux avocats et quelques témoins à l’audience. Ce qui, évidemment, n’a pas plu aux avocats des faucheurs : « L’Inra n’étant pas appelant, il ne peut intervenir puisque la question de l’indemnité est tranchée », a défendu M e Guillaume Tumerelle.
M e Michel Ledoux, pour les chercheurs, revendiquait, lui, une présence active au procès, puisque « la question de la culpabilité pouvait être remise en cause par la cour ». Et d’ajouter : « L’Inra veut porter la parole de la recherche française traumatisée par l’arrachage colmarien. »
Le ministère public, incarné par Madeleine Simoncello, a rejoint la position des faucheurs : « Je peux comprendre l’Inra qui ne veut pas laisser le champ libre à ses contradicteurs, mais le désistement de l’appel principal au civil des faucheurs entraîne automatiquement la caducité de l’appel incident de l’Inra. Cela consacre la fin de la procédure sur intérêt civil, donc l’Inra ne peut pas intervenir. »
Après 40 minutes de suspension, la cour a tranché en refusant la possibilité à l’Inra d’intervenir pendant le débat. Mais cette décision pouvant être contestée par un recours en cassation, le président Bernard Meyer a expliqué aux 47 faucheurs présents que le procès devait être renvoyé : « La loi dit que la cour ne peut statuer au fond pendant le délai d’un éventuel pourvoi. ». Il a donc donné rendez-vous à tout ce petit monde le 31 janvier 2013 pour une nouvelle audience.
REACTIONS
Les faucheurs. – « On a gagné sur cet incident avec l’Inra, mais ce qui est frustrant pour certains, c’est que les gens ont souvent dû prendre des congés pour ce procès, qu’ils ont fait le déplacement. On a peur aussi qu’une action en cassation repousse le procès très loin », ont déclaré les porte-parole Michaelle Rabillet et Jean-Pierre Frick. Juste après le procès, les avocats ont tenu une sorte d’assemblée générale avec leurs clients dans l’enceinte de la salle d’audience.
Hier soir, M e Tumerelle se réjouissait d’« avoir obtenu gain de cause. Le président a dit que ce n’était pas le rôle de l’Inra de venir réclamer une condamnation, c’est celui du ministère public. C’était un point important car l’Inra souhaitait s’incruster au procès. » Pour l’avocat, d’éventuels nouveaux reports ne poseraient pas de souci. Répondant à ses contradicteurs qui évoquent une possible QPC (question prioritaire de constitutionnalité), il rétorque : « Nous aussi, on réfléchit à une QPC, mais sur la définition du délit de violation de domicile. »
L’Inra. – L’institut n’a pas encore décidé s’il allait introduire un pourvoi en cassation. Il pourrait même en déposer un dit « conservatoire » pour passer outre le délai de cinq jours. « Nous allons réfléchir, a déclaré M e Ledoux. On pourrait aussi envisager une QPC, puisque l’absence d’une partie civile à un procès remet en cause le principe du débat contradictoire. »
La présidente de l’Inra avait fait le déplacement. Marion Guillou a expliqué que l’institut était venu « pour défendre la liberté de travailler des chercheurs ». Elle a ajouté : « On a envie d’expliquer le pourquoi de ces recherches. On sait bien que le mot OGM induit une réaction de rejet en France. On veut expliquer que les OGM, c’est du cas par cas. » Interrogée sur le fait que l’institut n’ait pas fait appel après la décision de première instance, elle a répondu : « Les collègues d’ici avaient envie de tourner la page. C’était une raison humaine. »
Sur le même sujet, M e Ledoux, qui semble regretter que son client n’ait pas voulu faire appel à l’époque, a ajouté : « Il y a là des raisons politiques. L’Inra est en lien avec le ministère de l’Agriculture, avec les syndicats dont la Confédération paysanne et ne veut pas mettre de l’huile sur le feu. L’Inra veut la paix des ménages… »
http://www.lalsace.fr/actualite/2012/06/20/plaidoirie-parodique-avant-le-proces-des-faucheurs-d-ogm-a-colmar